Comment protéger les biens communs

Points d’explications
pour mieux comprendre

Parce que le processus de sanctuarisation n’est pas forcément évident, voici quelques points d’explications pour mieux comprendre ce que propose le Fonds Fraternité pour Demain.

Les idées fausses sur la propriété

Nous avons pu rencontrer des collectifs qui croyaient, qu’il suffisait de rembourser l’apport initial fait par le sortant pour se libérer de ses droits, il n’en est rien.

Un exemple concret : Prenons le cas d’un bien initial financé par un apport collectif de 100 000 €. Supposons un groupe de 5 personnes ayant chacun apporté 20 000 € (sous quelque forme que ce soit : apport en capital, compte courant, …), et que l’achat a été financé par un prêt complémentaire de 200 000 €, (prêt depuis remboursé par la SCI, l’association ou la structure commerciale qui représente le collectif). Au fil du temps, des travaux ont été réalisés par des bénévoles (chantiers participatifs), le lieu a été aménagé, défriché, rénové, de nouvelles constructions ont été adjointes, et les activités sont devenues florissantes, etc… Le lieu, qui à l’achat a couté 300 000 €, s’évalue aujourd’hui (une dizaine d’années plus tard), à plus de 1,5 M€. Pour libérer le sortant ou son ayant droit (héritier en cas de décès) il va falloir lui rembourser 1/5 de sa valeur actuelle, soit 300 000 € (et non l’apport initial de 20 000 €). On comprend facilement que si 2 personnes sont sortantes et que le collectif des 3 personnes restantes n’a pas les moyens de les rembourser, la vente sera inéluctable.

On pense souvent qu’une association est un bon moyen de protéger un bien collectif. Pourtant ce n’est, par expérience, pas un moyen pérenne. En effet, l’association fluctue au gré des AG, rien n’empêche une AG de vendre un bien. Pire encore elle peut assez facilement se voir voler la propriété.

Nous avons eu le cas où une association s’est fait voler son bien immobilier. La procédure utilisée consiste à faire une fausse AG par laquelle est nommé un faux CA avec un nouveau président, celui-ci envoie à la préfecture un pv d’AG le nommant président et change le siège ; en retour il reçoit un courrier de la préfecture qui confirme avoir noté sa nomination. Avec ce document l’escroc a récupéré les comptes bancaires de l’association et a auprès d’un notaire déposé une hypothèque de 180 000 euros (environ 1/5 de la valeur du bien) au profit d’un complice. Puis, avec l’appui de son papier de la préfecture, il s’est installé sur la propriété et a fait éjecter toutes les personnes qui étaient sur le lieu. L’association a mis plus de 10 ans pour récupérer la présidence, et l’a reperdue par la même procédure, la semaine après avoir cru l’avoir enfin récupérée. Depuis le bien a été mis aux enchères, et l’association mise en liquidation n’a jamais pu reprendre son bien, ni pu lever l’hypothèque et l’escroc en plus d’avoir touché les loyers sur le bien pendant toutes ces années va à priori aussi toucher les 180 000€ d’hypothèque. C’est malheureusement une faille connue, et un cas non isolé.

A retenir : Pour les associations, contrairement aux fonds de dotation, la préfecture n’est qu’une chambre d’enregistrement et non un organe de contrôle. Les associations n’ont pas d’organe de contrôle de leur administration (sauf en Alsace).

On pourrait penser que les statuts de la structure (coopérative, scic, sca, sas, ….) peuvent protéger de toute forme d’appropriation ou spéculation. Il n’en n’est rien, car ce qui a été inscrit dans les statuts peut être défait à tout moment par une assemblée générale. L’assemblée peut même décider de transformer sa forme juridique (c’est un peu plus compliqué pour certaines structures coopératives, mais pas impossible).

Pour illustrer mes propos, reprenons l’histoire d’un collectif d’ouvriers qui en 1911 fondent une coopérative et se portent acquéreur d’un grand domaine avec un château dans la région parisienne. Il y implante plus de 300 pavillons selon un plan d’ensemble dressé par un architecte membre de la société française des habitations à bon marché (HBM). Respectant l’environnement avec étang et bois, tous les arbres y sont conservés. Environ 800 personnes y habitent actuellement. Le château abrite des salles communes et logements loués aux personnes âgés qui n’ont plus la capacité de vivre en pavillon. Dès la création les fondateurs, portés par des valeurs de solidarité, protègent statutairement les propriétés de toute spéculation, les pavillons ne peuvent être revendus qu’à leur prix de construction, sans bénéfice, la coopérative est autogérée, une caisse de solidarité vient en aide aux plus démunis,  et la petite cité organise des manifestations culturelles et festives. Depuis, la cité avec ces arbres remarquables a été classée ZPPAUP (zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager), la clause statutaire anti-spéculative dont l’objectif était de permettre l’accès à la propriété à des ouvriers a été supprimée par assemblée général de la coopérative.

Aujourd’hui les pavillons sont au moins 20% plus cher que ceux situés de l’autre coté de la rue qui borde la cité. Qu’en penseraient les fondateurs ?…

Propriété privée

La définition habituelle pour « biens communs » : Ensemble de ressources dont l’appropriation, la jouissance ou l’exploitation est collective. En creusant le sujet on comprendra qu’il est plus complexe quand s’y mêlent communs, biens communs, biens publics. L’association ‘La coop des communs’ croisant les univers des communs et de l’ESS (Économie Sociale et Solidaire), tente de clarifier le sujet, nous vous invitons à vous y reporter.

Visiter le site de l’association La coop des communs.

Sébastien Schultz (Doctorant en sociologie) parle des biens communs comme « Une alternative ‘révolutionnaire’ au marché et aux privatisations ». Dans un de ses articles il montre que l’accroissement de la logique de marché — et la propriété privée qui est son corolaire — à toutes les dimensions de la vie, nous pollue dans tous les sens du terme. Il propose comme solution :
« Pour commencer, il faudrait extraire de la logique marchande les biens essentiels à la vie humaine — les biens communs — pour les faire entrer dans une logique de propriété collective et de gestion collaborative et démocratique. Dépasser la propriété privée lucrative, cette invention de la révolution industrielle, est sûrement l’étape la plus importante pour penser le monde de demain, comme nous le propose T. Piketty dans son dernier ouvrage. Pour certains auteurs, les communs sont la révolution du XXIème siècle ».
C’est le cas notamment des auteurs comme Pierre Dardot et Christian Laval (Commun, essai sur la révolution au XXIe siècle).

Les communs peuvent cependant être simplement définis comme des ressources, matérielles ou immatérielles, nécessaires à la vie (l’eau, l’air, la terre, la nature, l’éducation, la culture, la santé, le climat, la neutralité du Net, …) dont certaines demandent une protection supplémentaire car susceptibles d’être dégradés par leur surconsommation.

A retenir : Tous les biens communs ne sont pas des “communs”. Ce n’est pas la nature ou la typologie des ressources qui en fait des communs, mais une façon d’en prendre soin collectivement, de les protéger à court et à long terme des appropriations et de l’épuisement.

Combien de collectifs se sont vu stoppés dans leur élan de développement par le départ d’un ou plusieurs fondateurs qu’il a fallu rembourser. En séparant la propriété de l’usage cette situation peut être évitée.

En effet, vous détenez un bien actuellement mis à disposition d’un collectif, le jour de votre départ, ou de votre décès, est-ce que ce collectif sera en mesure de vous rembourser votre part et de rembourser vos héritiers? surtout si le bien du fait des aménagements apportés aura pris de la valeur. Si ce n’est pas le cas, le collectif sera obligé de vendre le bien en question pour vous rembourser ou rembourser vos héritiers et de fait devra cesser l’action menée. Dans le cas des héritiers, ceux-ci peuvent être amenés à devoir vendre même s’ils ne le souhaitent pas, juste pour pouvoir payer les droits de succession demandés par les impôts.

Mise en commun :

Le Fonds Fraternité pour Demain à vocation d’encourager la création de communs, de proposer une solution juridique pour soustraire des marchés (immobilier et financier), des terres, des bâtis, et toute autre forme de propriété mise en commun, pour assurer la pérennité de leur usage commun.

Sanctuarisation :

Le Fonds Fraternité pour Demain peut procéder au démembrement d’une propriété : recevoir en dotation, par donations ou legs, la propriété de terres et de biens tout en transférant leurs usages à un ou plusieurs collectifs, qui en prendront soin. Le fonds préserve ainsi ces communs d’une éventuelle revente en cas de dissolution de la communauté ou de décès occasionnant un héritage, tout en laissant aux collectifs l’usage. Une fois intégrés à la dotation du fonds, ces biens ne peuvent plus être vendus. Ainsi le fonds sanctuarise les communs pour leur assurer la pérennité qui leur donne son sens.

A noter : Le Fonds Fraternité pour Demain est exonéré des droits de mutation et  peut recevoir legs et donations. Ainsi, toute propriété privative peut devenir collective sans rien coûter.

Pérenniser la propriété

Le démembrement c’est la séparation de la nue-propriété et de l’usage. Le bien devenant commun n’est plus la propriété d’une ou de plusieurs personnes, seul l’usage reste au collectif (sous la forme d’un bail emphytéotique qui en régulera l’usage), quelles que soient les fluctuations de personnes dans le temps. La plus-value apportée par le travail du collectif (travaux de rénovation, aménagements, mise en valeur, modifications, transformations, …) n’enrichit pas le ou les propriétaires à la revente que provoque leur départ, mais profite au collectif qui en garde l’usage de manière pérenne. Le droit d’usage reste plus stable même si la valeur des biens immobiliers fluctue.

Après avoir étudié de nombreux type de statuts, nous en avons conclu que le fonds de dotation est le modèle juridique le plus approprié pour répondre aux besoins que nous avons pu identifier à ce jour.

Dans un premier temps, il nous permet de collecter des fonds pour des projets d’intérêt général tout en bénéficiant de l’avantage fiscal sur le mécénat. Cette action d’intérêt général donne à Fraternité pour Demain la légitimité de son statut de fonds de dotation.

Le fonds ayant une réelle action d’intérêt général, il lui est possible de prendre en dotation des biens pour les protéger en tant que biens communs.

En effet, contrairement à l’association dont la propriété n’est pas juridiquement protégée (cf : cas de vols avérés d’actifs associatifs) (cf ci-dessus « L’idée que la propriété est protégée dans une association, est fausse »), le fonds de dotation apporte des garanties bien plus sûres. Ce n’est pas un regroupement de personnes. C’est aussi, à notre connaissance, le seul organe collectif (avec les fondations) qui n’appartient pas à des personnes physiques ou morales et dont la dotation est apportée par un ou plusieurs donateurs dont la volonté (garante de l’intention voulue pour le futur) doit être respectée.

C’est cette volonté qui devra être respectée qui nous garantit la conservation des biens mis en biens communs dans le fonds de dotation. De plus, nos statuts prévoient que la dotation ne sera pas consomptible. Ainsi tout apport en dotation ne pourra être consommé, la vente n’est possible qu’exceptionnellement, par exemple si le prix de la vente est réemployé dans la dotation pour le rachat d’un autre bien (exemple : achat d’un  lieu plus grand suite à évolution du projet) qui respecte la volonté du donateur.

« Le fonds de dotation est une personne morale de droit privé à but non lucratif qui reçoit et gére, en les capitalisant, des biens et droits de toute nature qui lui sont apportés à titre gratuit et irrévocable… » (art 140, loi du 4 août 2008). On comprend ainsi l’indépendance dans laquelle se trouve le fonds de dotation qui n’appartient pas à ceux qui ont constitué la dotation capitalisée. De plus, ce statut de droit privé offre davantage de libertés que celui de droit public. « Cette qualité ne fait pas pour autant du fonds de dotation une personne morale échappant à tout contrôle et pouvant développer ses activités avec moins de rigueur que les personnes publiques. » (cf.Fonds de dotation Le Juri’Guide).

A noter : Le Fonds Fraternité pour Demain est exonéré des droits de mutation et  peut recevoir legs et donations. Ainsi, toute propriété privative peut devenir collective sans rien coûter.